DPI-A : Le mythe de l’embryon parfait

DPI-A : Le mythe de l’embryon parfait

« Le projet de loi relatif à la bioéthique, actuellement en discussion au Parlement, nous pose des questions relatives aux effets du progrès scientifique sur notre société, des questions intimes, fondamentales. C’est à cette occasion que nous fixons le cadre éthique de la médecine et de la recherche, en posant les limites entre ce qui est scientifiquement possible et ce qui est socialement souhaitable.

Les débats autour de la procréation médicalement assistée (PMA) pour toutes les femmes ont occulté un autre sujet éthique essentiel, le diagnostic préimplantatoire (DPI) des embryons. Cette technique de sélection des embryons conçus par fécondation in vitro (FIV), non porteurs de maladies génétiques héréditaires comme la mucoviscidose, est réservée actuellement aux seuls couples à risque d’avoir des enfants avec des malformations génétiques. La détection des aneuploïdies (anomalies du nombre de chromosomes), connue sous le nom de DPI-A, permet d’effectuer un tri des embryons qui ne présentent pas ces anomalies, dont la trisomie 21.

Plusieurs amendements visant à autoriser le DPI-A, pour l’instant interdit en France, ont été déposés à l’Assemblée nationale comme au Sénat. Ses défenseurs estiment que cette technique serait une solution pour éviter d’implanter soit des embryons non viables à des femmes en parcours de PMA, ce qui éviterait des échecs des FIV ou des fausses couches à répétition, soit des embryons porteurs de trisomie.

Au cours des auditions menées dans le cadre du projet de loi, j’ai perçu que les professionnels n’étaient pas disposés à pratiquer le DPI-A en soin courant car nécessitant encore des recherches cliniques afin de préciser sa réelle utilité. En plus, il s’avère que la détermination du nombre de chromosomes chez l’embryon ne présente pas d’avantage en termes de prédiction de fausses couches par rapport à l’analyse classique effectuée pour toutes les FIV. Ainsi la pratique du DPI-A ne me paraît donc pas suffisamment maîtrisée à ce jour pour être inscrite dans la loi comme examen de soin courant, même à titre expérimental.

L’élargissement de la pratique du DPI au DPI-A proposé par le Sénat bouleverse indéniablement l’équilibre trouvé lors des débats à l’Assemblée nationale. Il repousse les limites de ce qui est acceptable et souhaitable pour notre société car cette évolution reviendrait à effectuer une sélection de l’embryon « parfait », celui qui ne dispose d’aucune anomalie génétique et chromosomique.

En plus du problème bioéthique que cela pose, l’autorisation de la pratique du DPI-A exposerait à une augmentation considérable du nombre de demandes à satisfaire, avec des conséquences en termes de réalisation pratique et de coût. En effet, au nom du principe d’égalité, l’ouverture de ce dispositif impliquera forcément que des couples dont les enfants ne sont pas atteints de maladies génétiques héréditaires demandent un DPI-A. Sur quelle base juridique pourra-t-on alors leur opposer un refus ? 

Enfin, sachant que les avancées scientifiques et médicales sont sans limite et que les techniques actuelles permettent une définition des gènes et des chromosomes avec une précision jamais atteinte jusqu’à ce jour, pourquoi ne s’en tenir qu’à la recherche de trisomies ? Il existe d’autres maladies génétiques héréditaires graves, pourquoi ne pas procéder à l’analyse exhaustive des gènes en cause ? Autoriser ces pratiques reviendrait à éliminer certaines maladies, certains handicaps qui composent notre société alors qu’ils doivent être pris en charge par la solidarité nationale.

Est-ce le message que nous, législateurs, souhaitons faire passer ? Au cours de ce débat parlementaire, ne cédons pas au mythe de l’embryon parfait. »